Optimisation fiscale : le démembrement de propriété des droits sociaux (nue-propriété et usufruit)

Le démembrement de propriété de droits sociaux est un mécanisme qui a suscité de nombreuses problématiques aux praticiens de droit des sociétés et aux avocats fiscalistes. Le démembrement de droits sociaux peut être réalisé pour des raisons juridiques, économiques mais aussi et surtout fiscales. En effet le démembrement de droits sociaux est devenu au fil du temps un véritable mécanisme d’optimisation fiscale fréquemment utilisé par les avocats fiscalistes dans l’intérêt de leurs clients.

Le démembrement de la propriété : qu’est-ce-que c’est ?

En principe, la propriété est composée de trois grands attributs. Le premier est l’usus qui correspond au droit d’user de la chose. Le deuxième est le fructus, lequel correspond au droit de percevoir les « fruits » de la chose (les loyers ou, dans le cadre d’une société, les bénéfices). Le dernier est l’abusus qui est le droit de disposer de la chose et qui permet à son titulaire de réaliser tant des actes matériels de destruction que des actes juridiques de disposition sur cette chose.

Pour être plus concret, prenons l’exemple d’une maison. L’usus est le droit d’habiter dans la maison, le fructus est le droit de percevoir des revenus locatifs si la maison venait à être louée et l’abusus vous permet de détruire la maison ou encore de la céder.

Le démembrement de propriété permet de séparer ces trois attributs dans deux ensembles différents. Le premier est la nue-propriété qui comprend l’abusus. Le second est l’usufruit qui comprend le fructus et l’usus. L’usufruit est, comme le définit le code civil, le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, à charge d’en conserver la substance. Pour résumer si vous êtes titulaires de l’usufruit d’un bien vous pourrez utiliser cette chose et récupérer ce que cette chose génère (ses « fruits »).

Ce démembrement de propriété peut s’appliquer à tout type de biens. Il peut s’agir de biens meubles comme une voiture ou un bateau mais également à des biens immeubles comme une maison. Le démembrement peut également s’appliquer à des droits sociaux (actions ou parts sociales d’une société).

A la mort de l’usufruitier ou à la date d’expiration de l’usufruit, le nu-propriétaire recouvrira la pleine propriété du bien en question (usus, fructus et abusus). La nue-propriété et l’usufruit se retrouveront concentrés entre ses mains.

Le démembrement de la propriété de biens immobiliers

En cas de succession

Le démembrement de la propriété de biens immobiliers présente un intérêt fiscal certain. En réalité un tel mécanisme est très souvent utilisé dans le cadre de l’optimisation fiscale d’une succession. En effet lors d’une succession vous devez vous acquitter de droits de mutation à titre gratuit. Ces droits de mutation s’élèvent à un taux allant de 5 à 60% de la valeur du bien. Le taux est progressif comme l’impôt sur le revenu. Comme vous pouvez le constater un héritage peut vous coûter chère, très chère.

Une technique visant à réduire la charge fiscale d’une succession consiste à démembrer la propriété de certains biens. Ainsi une personne, souvent âgée, va démembrer la propriété d’un ou plusieurs de ses biens qui seront transmis à ses enfants au moment de son décès. Il conserve l’usufruit de ces biens (ce qui lui permet de continuer à habiter dans sa maison par exemple) mais donne la nue-propriété à ses enfants.

Au moment de la donation de la nue-propriété, le donateur c’est-à-dire dans notre exemple le parent, devra s’acquitter de droits de mutation à titre gratuit. Seulement, ces droits de mutation à titre gratuit ne porteront pas sur la totalité de la valeur du bien mais seulement sur la valeur de la nue-propriété. Pour calculer cette dernière un barème est prévu allant de 10 à 95% de la valeur du bien en fonction de l’âge de l’usufruitier. Pour vous donner une idée, imaginons qu’une personne de 65 ans démembre la propriété d’un bien immobilier d’une valeur de 300.000 €. La valeur de la nue-propriété de ce bien sera de 180.000 € (en vertu du barème on estime que dans cette situation, au vu de l’âge de l’usufruitier, la valeur de la nu propriété est égale à 60% de la valeur du bien en question).

Au moment de la mort de l’usufruitier, le nu-propriétaire c’est-à-dire dans notre exemple les enfants recouvreront la pleine propriété du bien et ne paieront aucun droit de succession sur l’usufruit.

En cas de paiement de l’impôt sur la fortune immobilière

En cas de démembrement de la propriété d’un bien immobilier il convient de définir qui supportera la charge d’imposition de ce bien afférente à l’impôt sur la fortune immobilière. Un contribuable ne paye l’IFI que si son patrimoine immobilier dépasse un seuil de 1,3 million d’euros. Il convient donc de savoir qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier voit le bien immobilier rentrer dans l’assiette des 1,3 million d’euros. Imaginons que ces derniers ont déjà un patrimoine de 1 million d’euros et que le bien en question a une valeur de 400.000 euros, l’enjeu de cette problématique sera considérable étant donné que cela permettra de déterminer le redevable de l’impôt.

En principe, pour le calcul de l’impôt sur la fortune immobilière, les biens démembrés entrent dans le patrimoine de l’usufruitier à raison de la valeur correspondant à la pleine propriété du bien. Il revient donc à l’usufruitier de déclarer ce bien et le nu-propriétaire n’a quant à lui rien à déclarer.

Dans certaines situations il est possible de répartir entre le patrimoine de l’usufruitier et du nu-propriétaire la valeur du bien dont la propriété est démembrée. Il conviendra donc de définir la valeur de chaque droit, usufruit et nue-propriété. Cette évaluation se fera selon un barème évoluant en fonction de l’âge de l’usufruitier. Ce sera le cas si :

  • Le conjoint survivant bénéficie d’un usufruit légal ;
  • La nue-propriété d’un bien immobilier a été vendue à un tiers autre que l’héritier présomptif (celui qui, du vivant du défunt a vocation à lui succéder) ;
  • Si la nue-propriété a fait l’objet d’une donation au profit d’une entité publique, d’une association ou d’une fondation reconnue d’utilité publique.

Il est donc possible, par le mécanisme de l’usufruit, d’éclater la valeur d’un bien immobilier dans deux patrimoines différents et d’éluder ainsi l’imposition au titre de l’impôt sur la fortune immobilière.

Le démembrement de la propriété des parts sociales d’une société civile immobilière

Il est fréquent que des particuliers apportent un bien immobilier à une société civile immobilière et reçoivent en contrepartie des parts sociales de cette société.

Il est possible, dans un objectif d’optimisation fiscale, de démembrer la propriété des parts sociales de la société civile immobilière. Un tel dispositif permet d’allier les avantages, du point de vu de la société civile immobilière, du régime des sociétés de personnes et des sociétés de capitaux (impôt sur les sociétés).

Prenons un exemple pour illustrer ce schéma. Une société à responsabilité limitée détient un fonds de commerce (un salon de coiffure). Dans le cadre du développement de l’activité, les associés de cette société (qui sont par ailleurs gérants de celle-ci) décident d’acquérir un bien immeuble pour y loger l’activité. Ils décident de passer par l’intermédiaire d’une société civile immobilière pour gérer ce bien immobilier. Les associés de la société civile immobilière, propriétaire des parts sociales de cette dernière, vont démembrer ces parts sociales et vont apporter l’usufruit de ces dernières à la société à responsabilité limitée. L’usufruitier étant soumis à l’impôt sur les sociétés, les revenus de la SCI (tirés de la location du bien immobilier à la SARL) seront calculés sur le fondement des règles afférentes aux bénéfices industriels et commerciaux (permettant, en outre, de pratiquer l’amortissement du bien).

Vous l’aurez compris, un tel schéma permet de bénéficier non seulement des avantages de l’impôt sur le revenu (notamment en cas de revente du bien avec le régime fiscal avantageux des plus-values) mais également de ceux de l’impôt sur les sociétés.

Le rôle de l’avocat fiscaliste dans le démembrement de la propriété

L’avocat fiscaliste pourra vous conseiller sur l’opportunité d’un démembrement de propriété dans le cadre de votre situation personnelle. Il vous informera également sur toutes les conséquences juridiques de ce démembrement.